Sourou Migan Apithy, ancien président du Dahomey, reste une figure marquante de l’histoire politique et culturelle du Bénin. Homme de compromis et intellectuel brillant, il a laissé un legs qui continue d’inspirer. Dr François Ahlonsou, acteur politique et homme de culture, revient sur l’enracinement des valeurs portées par Apithy dans l’ex-Parti du Renouveau Démocratique (PRD). Que reste-t-il de son héritage après la fusion avec l’Union Progressiste (UP) ? Duel sera le devenir de sa maison historique située à l’entrée de Porto-Novo, sur le boulevard qui porte son nom ? Découvrez les réponses du Dr François Ahlonsou.
Entretien avec Dr François AHLONSOU
''…Merci beaucoup pour l'intérêt que vous portez. Notre grand homme d'État, le président Marcellin Joseph Sourou Migan APITHY né le 8 avril 1913, décédé le 3 décembre 1989, il y a 35 ans. Il y a 35 ans que notre président Sourou Migan APITHY est décédé. Cet homme politique doit être davantage connu et servi de référence à la jeunesse. Parce que les hommes d'État, comme ça, il faut qu'on en parle. Il faut qu'on en parle chaque fois et toutes les fois, que ce soit une source d'inspiration. Donc, nous qui sommes inspirés de l'homme d'État Sourou Migan APITHY, surtout le président Adrien HOUNGBEDJI, et nous qui sommes les disciples du président Adrien HOUNGBEDJI, nous avons vu, à travers le président Adrien HOUNGBEDJI, notre grand Sourou Migan. Expert-comptable de formation, Sourou Migan APITHY a été le premier député du Dahomey et du Togo. Le Togo français, c'est-à-dire que le Togo avait été divisé après la guerre, la Deuxième Guerre mondiale, en deux. La partie anglophone a été fusionnée avec le Ghana, et la partie togolaise devait revenir fusionner avec le Dahomey, mais elle est restée autonome. C'est la décision de la métropole. Donc, le Togo et le Dahomey avaient comme député le père Francis Aupiais, dont le supléant était Sourou Migan APITHY. Malheureusement, un mois après l'élection, le père Aupiais est décédé, et Sourou Migan APITHY a siégé. Donc, la formation et l'héritage, déjà, de Sourou Migan APITHY était père Aupiais. Il a fondé, à ce moment-là, le parti républicain du Dahomey. Sourou Migan APITHY est le fondateur du parti républicain du Dahomey, PRD, en 1951. Il a été plusieurs fois conseiller territorial, conseiller général, vice-président, premier ministre, ministre d'État. Mais, n'oublions pas, il était maire inamovible de Porto-Novo, donc député maire de Porto-Novo. Mais, vous allez vous rendre compte que peu de personnes reconnaissent ou se rendent compte que Sourou Migan APITHY a été maire de Porto-Novo parce que son premier adjoint et son homme de main, son bras droit, Salomon Biokou, vénérable mémoire, était le premier adjoint au maire et était connu de tout le monde comme maire de Porto-Novo. C'est normal. Ce qui est aussi important, c'est qu'il a été président du Dahomey du 25 janvier 1964 au 22 décembre 1965. Donc, quand je le sais, Sourou Migan APITHY était président de la République de 1965. Ce qu'on doit se rappeler, c'est que Sourou Migan APITHY était écrivain, était un homme de grande culture. Un homme de grande culture. Donc, écrivain, il a laissé pour la postérité trois ouvrages. Le premier, en 1967, qu'il a écrit, qui était « Au service de mon pays ». Le second, qui était « Telle est la vérité » en 1968. Mais, en 1969 ou 1971, il a écrit par là « Face aux impasses ». Donc, trois ouvrages restés pour la postérité. Alors qu'il écrivait aussi dans les journaux et les pages des journaux, surtout un journal ouest-africain pour lequel il a beaucoup écrit. Il a été aussi membre du Conseil présidentiel. Dans les années 1970, avant le coup d'État de 26 octobre 1972, où AHOMADEGBE II, qui avait suicidé à MAGA, avait été renversé. Donc, voilà l'homme d'État que je voudrais vous définir pour résumer globalement. Je dois vous dire les points forts sur lesquels on doit pouvoir reconnaître les actions de Sourou Migan APITHY. Vous voyez, député avant l'indépendance, pendant près de 15 ans, de 1945-1946 jusqu'en 1959, la loi a fait et il est devenu Premier ministre et est préparé pour être président de la République. Il a proclamé le 4 décembre 1958 la République du Dahomey. C'était, sur la place de la République, faire aujourd'hui office de l'esplanade extérieur de l'Assemblée nationale. C'est là où on a proclamé la République, c'est là où on a baptisé place de la République, qui est en même temps là où on a proclamé le 1er août 1960 l'indépendance. Même place qu'est aujourd'hui l'esplanade extérieur de l'Assemblée nationale. On doit retenir ça. Là, le nom qui est toujours dans nos archives est place de la République. Aujourd'hui, on l'appelle esplanade extérieure de l'Assemblée nationale. Mais c'est toujours place de la République.
…C'était le seul ancien président qui n'a pas participé à la conférence de février 1990, parce qu'il décédait l'année d'avant, le 3 décembre 1989, à Paris. Et là, il n'a pas pu participer à la conférence nationale. Vraiment, son destin a été cruel. Mais avant son décès, son dernier ouvrage qu'il a eu à écrire, il a dédicacé au président Adrien HOUNGBEDJI. Et je peux vous lire ce qu'il a dédicacé... Il écrivait le 10 janvier 1972 à son jeune frère et ami, M. Adrien HOUNGBEDJI ces quelques lignes, un témoignage d'affectueuse amitié et avec l'espoir qu'il sera amélioré, ce que timidement, vous voyez l'humilité de l'homme, nous essayons de défier. Timidement. Voilà un grand homme qui dit à un jeune frère pour qu'il puisse prendre le relais. Il se rend compte qu'après, si si vous voyez les grands, quand ils voient venir les choses, ils sont dans la prospective. Donc il a vu en ce jeune qui n'avait pas encore 30 ans, jeune avocat brillant, docteur en droit. Il voyait en lui l'espoir de continuer ce qu'il a commencé. Et là, ça a permis de projeter après le PRD, Partis républicains de Dahomey, on a vu après le Parti du Renouveau Démocratique, né le 1er janvier, après son décès en décembre, déjà le 1er janvier 1990, le parti du renouveau démocratique est né. Et ça continue, c'est le parti enregistré numéro un à l'époque du renouveau démocratique. Mais ce qu'on voit aussi fondamentalement au terme de son combat, de ses succès, de ses acquis, c'était l'abolition des travaux forcés. Les travaux forcés à l'époque étaient quelque chose d’horrible. Avec tout ce qu'il y a comme sévices, comme torture, comme situations difficiles pour la population. Donc, arriver à la tête des députés au niveau de l'Assemblée française, arriver à abolir les travaux forcés, et surtout, personnellement, se battre. L'abolition des impôts de capitation des femmes, c'était quelque chose d'extraordinaire. Telle manière que les rassemblements, les meetings de Sourou Migan APITHY, drainaient du monde fou. Ça, avec peu de moyens. Sinon, sans moyens financiers. Parce qu'à l'époque, dès que le meeting est annoncé, dans les environs, dans les zones, on disait Kpity - Kpity pour Akpity. Tout le monde y allait, Kpity - Kpity pour Akpity. Parce qu'on le prenait pour le député qui a réussi à plier le plan, à l'époque, pour l'arrêt des travaux forcés. Même si tu deviens député à l'époque, avant les indépendances, c'est comme si tu devenais un Akpity.
…Non il ne faut pas confondre compromission et compromis. C'est un homme de compromis. Il adore l’arbre à palabre, les palabres, du dialogue et surtout, la tolérance. Parce qu'il y a quelque chose qui le caractérise, son calme légendaire. C'est un homme voulant être d'un calme légendaire. Il a écouté tout le monde, a accepté le compas, parce qu'il se dit que dans le dialogue fécond, que l'on trouve la solution à tous les problèmes qui se posent. Et il a tellement appliqué toute sa vie durant. Ce n'est pas un homme d'un radicalisme, ou bien des positions ne sont toujours tranchées, jamais.
…Vous pouvez le dire, c'est sûr, vous commentez. Mais les faits sont là. Le fait, c'est qu'il a eu un digne héritier en la personne du Président Adrien HOUNGBEDJI.
…Que vous appelez cela défaut, mais je vous dis que c'est une qualité. C'est une qualité à ce sens que ça a permis à des situations difficiles de ne pas pousser jusqu'à se retrouver dans le pays d'un déchirement. Parce qu'on se rappelle en 1959, Sourou Migan APITHY a été obligé de reprendre les élections dans le mono, alors qu'il était convaincu qu’il allait gagner, mais il a perdu les élections dans le mono, alors qu'il avait 9 députés, ça lui permettait, le Premier Ministre, qu'il continue de devenir le Président de la République pour caractériser l'indépendance. Avec le Président AHOMADEGBE, qui l’a contraint, qui l’a poussé sous pression à reprendre les élections dans le mono, il a perdu cette élection-là. Il a perdu le portefeuille du Premier Ministre, parce que AHOMADEGBE s'est retrouvé allié avec MAGA pour former une autre majorité. Et MAGA est devenu Premier Ministre ; AHOMADEGBE, Président de l'Assemblée Nationale, et APITHY, écarté. Vous voyez jusqu'où ? Alors qu'il s'y tirait, il empêchait cette élection anticipée, le pays allait s'embraser la veille de l'indépendance, allait connaître un bain de sang. Il a préféré se sacrifier pour éviter le bain de sang à son pays. C'est des hommes de paix comme ça qu'on doit retenir dans l'histoire et laisser leur nom sur des choses mémorables, pour lesquelles on doit pouvoir les dire. Le même cas que le Président Adrien HOUNGBEDJI à un moment donné, il a dû dire, si ce n'est que le pouvoir que je dois prendre dans le bain de sang, je refuse. Et vous vous rappelez, vous avez vu le fameux chaos, vous avez vu le passage du Président KEREKOU au Président YAYI. Si le Président HOUNGBEDJI avait tiré sur la corde, la corde allait se casser, elle allait se retrouver peut-être encore dans une situation difficile. Il nous a évité, il a épargné au pays un bain de sang qu'on n'a pas besoin. C'est ça, les hommes d'État. Ils sont prêts à sacrifier leurs ambitions personnelles, individuelles, pour que survive la démocratie, pour que l'on puisse continuer le développement, pour que nous évitions des situations difficiles, chaotiques pour le pays. C'est ça que nous devons retenir, ces grands hommes-là.
…Le PRD est entré en fusion avec l'UP et nous formons aujourd'hui, l'Union Progressiste de le Renouveau. Un parti qui se bat pour limiter le travail bien fait, et surtout la solidarité, c'est-à-dire le dialogue, la tolérance. C'est l'élément clé, c'est l'élément d'envergure, c'est l'élément dont le président Adrien HOUNGBEDJI est porteur… Donc c'est très important que ces valeurs, soient sauvegardées. C'est des valeurs cardinales qu'incarnaient Sourou Migan APITHY, déjà par sa personnalité et par le parti, par ses luttes politiques qu'il a su mener en son temps. C'est ça la chose la plus importante qu'un homme doit laisser pour la postérité, c'est-à-dire homme de paix. On ne gardera pas, toi, un homme de violence. Un homme de violence, il y aura beaucoup de situations conflictuelles et beaucoup de pertes en vie humaine. Ça, c'est des choses que nous évitons et que ces hommes-là ont su éviter à leur pays.
…Ça, c'est des supputations. Nous n'évoquons pas cela. Ce qui est sûr, la maison de Sourou Migan APITHY, elle là.
…Attendez, attendez. Cette maison, en même temps son mausolée, où il a été inhumé, ainsi que son épouse. Donc, n'évoquez pas cette éventualité-là. Oubliez ça. Et je dois vous dire, je dois vous dire et insister, que cet homme visionnaire de son temps était si passionné de la décentralisation que cela est aujourd'hui un élément clé de développement. Un homme si visionnaire qu'il a pensé déjà, parce qu'il avait de la réflexion précurseur de la création de l'Union, il était sûr que c'était indispensable le développement des pays francophones et anglophones. Il a beaucoup insisté que le développement du Dahomey dépendait de la fusion, de la création d'une fédération des Etats du Golfe du Bénin, appelée l'Union du Golfe du Bénin, prenant le Nigeria, le Dahomey, le Togo, le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Niger et le Burkina. Ces 5 pays forment le conseil d'entente avec les deux grands pays anglophones, Nigeria et Ghana. Sourou Migan APITHY voyait ce grand ensemble du point de développement harmonieux, de cette zone. Et ça, il était déjà dans une réflexion précurseur de la CEDEAO et de l'UEMOA. Aujourd'hui, on reprend ces réflexions-là pour le bonheur des peuples, des communautés. Et les peuples, vous les voyez, n'ont pas de frontières. C'est les mêmes peuples du Nigeria jusqu'en Côte d'Ivoire.
…Je voudrais que la jeunesse, que les militants et les jeunes aujourd'hui puissent se ressourcer, aller chercher, se cultiver, avoir des hommes d'État comme référence, aller connaître leur vie, leur parcours, leur temps, leurs oeuvres, pour se ressourcer, s'inspirer de ce qu'ils ont fait pour leur pays et vraiment essayer de les copier. C'est ça l'essentiel. Et il est de votre devoir, vous, les médias, de continuer à ce que les valeurs incarnées par ces grands hommes puissez faire des émissions régulières sur ces grands hommes. Le Bénin en connaît suffisamment. Voilà des grands hommes comme Louis HOUNKANRIN ; des grands hommes comme Paul HAZOUMÈ. Vous devez les faire connaître davantage. Sinon, ils sont malheureux là où ils sont parce qu'ils auraient vécu inutilement. Alors que ces hommes-là n'ont pas vécu inutilement. Ils ont vécu et ils ont fait des combats. C'est un des sacrés combattants.